Identifier les signes du burn-out (témoignage)
Il y a tout juste cinq ans, les pompiers sont venus me chercher à mon bureau et m’ont conduite aux urgences. Le diagnostic était sans appel : burn-out et dépression sévère. Cela faisait des mois, voire des années que je sentais que « quelque chose » n’allait pas. Mais il est assez difficile de clairement identifier les signes pour prévenir le burn-out. Et l’on n’y arrive rarement seul.e.
Ce que je connais du burn-out, pour l’avoir rencontré
29 mars 2017. La matinée avait été difficile. Après des jours d’entretiens et d’investigations, sur fond de harcèlement et de discrimination, nous avions pris une sanction lourde envers un manager. Dans ces cas-là, rien n’est jamais tout blanc ou tout noir et il est à mon sens impossible de trancher sans sourciller. En tant que DRH, je le faisais en conscience et après mure réflexion, mais avec la conviction que le contexte général n’avait pas été favorable au bon fonctionnement de cette équipe.
Cet épisode intervenait après de longs mois assez éprouvants, au cours desquels nous avions engagé une transformation en profondeur de l’entreprise. J’accompagnais les collaborateurs dans le changement, non sans heurts et au prix d’un lourd investissement, tant professionnel qu’émotionnel. A ce moment précis j’aurais eu besoin, moi aussi, d’une écoute et d’un soutien. Les expressions populaires sont pleines de bon sens : « le cordonnier est le plus mal chaussé » mais aussi « la goutte d’eau fait déborder le vase ». Une simple remarque a eu sur moi l’effet d’un détonateur. Tout ça n’avait plus de sens, je ne savais plus ni pourquoi ni pour qui je m’engageais – me sur-engageais même – depuis des mois.
Ensuite, je ne sais pas vraiment ce qui s’est passé. Je me souviens être remontée à mon bureau, avoir posé ma tête entre mes mains. Puis le noir. Deux de mes collègues m’ont retrouvée suffocante, en larmes. Elles ont appelé les pompiers qui m’ont emmenée à l’hôpital. Je me souviens vaguement être restée prostrée dans la salle d’attente, au milieu des cris et des altercations. « Bienvenue aux urgences psychiatriques » m’a dit un brancardier ! Après deux heures d’entretiens chaotiques avec les médecins, je suis rentrée chez moi en taxi. Quelqu’un avait dû téléphoner et donner mon adresse…
S’en sont suivis des jours de sommeil et de silence. Puis des semaines à remonter la pente : le cerveau au ralenti, la parole aussi. Perte de repères : trois mois plus tard, il me fallait encore mon « GPS » pour aller faire mes courses, à cinq cents mètres de la maison. J’ai repris le travail au bout de six mois, en temps partiel thérapeutique. Bien sûr, j’étais incapable de reprendre mon poste et je ne l’ai jamais retrouvé d’ailleurs. Mais ceci est une autre histoire, que je raconterai sans doute plus tard…
Je n’avais pas forcément envie d’être explicite, de mettre des mots sur mes maux. Mais comme me l’a soufflé une amie qui en a été le témoin, sans doute est-il utile d’en parler pour éclairer celles et ceux qui se reconnaîtront, ou reconnaîtront les symptômes d‘un proche et seront ainsi plus à même de l’alerter, de l’aider. Car seul.e, il est quasi impossible de se préserver, ni même de se voir sombrer. Merci donc de m’avoir aidée à raviver ma mémoire, tant j’ai tendance à vouloir effacer cette période !
Ces signes à identifier pour prévenir le burn-out
Il y a de nombreux signes qui auraient pu me mettre la puce à l’oreille, que j’avais d’ailleurs plutôt bien identifiés, mais que j’ai combattu pour essayer de rester le plus longtemps possible debout, pour ne pas baisser les bras, ne pas m’avouer vaincue. Par fierté et aussi parce que dans le fond, il y avait la peur de perdre mon job.
Je pense à ces douleurs – ventre noué, cervicales bloquées – et à cette anxiété qui allaient crescendo, aux insomnies de plus en plus fréquentes. A cette fatigue de plus en plus intense, jusqu’à l’épuisement. Je pense à ces micros-arrêts de travail, ces « week-end prolongés » pour essayer de remonter la pente. Jusqu’à ce malaise qui m’a littéralement jetée à terre, à la sortie d’un salon professionnel, sur le quai de la gare à Marseille. C’était tout juste un an avant le burn-out, en mars 2016. A ce moment-là j’avais la certitude, ou du moins l’espoir, de pouvoir m’en sortir seule. J’ai loué un appart ‘hôtel pendant cinq jours, histoire de prendre une semaine de repos, au calme, sacrifiant encore un peu plus au passage ma vie de famille.
Faire face, tenir un rôle, ne pas s’écouter…
Et puis je suis revenue au bureau, comme si de rien n’était, j’ai repris les dossiers en cours, qui pour certains s’étaient accumulés. Je vivais avec la culpabilité ne pas savoir gérer ma charge de travail, de faillir à mon devoir, à mes responsabilités. En parallèle la colère grondait. Contre ceux qui ne voyaient pas, ceux qui voyaient sans rien faire, et surtout contre moi-même. J’étais en colère, mais pour autant je ne lâchais rien : surtout pas mon perfectionnisme et mon envie de bien faire. Ma fatigue me rendait moins efficace, je passais plus de temps sur chaque chose, les journées n’en étaient que plus longues… Un vrai cercle vicieux.
Ce que j’ai compris du burn-out, pour l’avoir vécu et combattu
Oui, j’aurais pu identifier les signes pour prévenir le burn-out. Mais je n’ai pas su m’arrêter à temps. C’est longtemps après que j’ai enfin compris qu’il fallait se préserver, qu’il était possible de vivre différemment, sans cette boule au ventre, sans cette sensation d’être en permanence écartelée entre sa vie pro et sa vie perso, entre ses valeurs et son confort matériel.
Comme je l’ai écrit dans l’avant-propos de ce blog, sous le surmenage et le mal-être au travail se cache souvent un mal-être plus profond, que seul un psy pourra aider à démêler, notamment avec les Thérapies Cognitives et Comportementales* qui sont – de mon expérience – extrêmement efficaces. En parallèle, un accompagnement non thérapeutique peut être très aidant, pour trouver les clés d’une vie plus équilibrée et épanouie. Et la première clé, justement, c’est de ne pas chercher à s’en sortir seul.e. Il suffit parfois de quelques séances pour identifier des axes de progrès et acquérir de nouveaux réflexes. Mieux gérer les conflits, savoir dire non… Voir sa vie et ses problèmes sous un autre jour, avec un autre angle de vue.
Ce que j’ai connu et compris, je l’ai modélisé de façon à pouvoir venir en aide à ceux qui, à leur tour, sont en « souffrance » au travail. Leur permettre d’identifier les signes pour prévenir le burn-out, ou de mieux vivre un retour à l’emploi après un épisode de burn-out. Aider aussi ceux qui « font de leur mieux » dans ces cas-là, collègues et managers qui auraient bien besoin eux-aussi, de quelques éclairages.
* Plus d’information sur les Thérapies Cognitives et Comportementale
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